MANIFESTATION CONTRE LE PROJET DE LOI 89 : POURQUOI C’EST IMPORTANT ?
Chers membres,
Vous êtes nombreux à nous écrire concernant le projet de loi 89, qui viendrait limiter nos droits syndicaux, en particulier en cas de grève.
Si ce projet de loi était adopté, le gouvernement aurait la capacité de décréter la fin d’une grève lorsqu’un syndicat est impliqué dans un service assurant le bien-être de la population.
Est-ce que c’est applicable à notre secteur d’activité ?
Pour le moment non… Mais alors, pourquoi l’AECQ demande à être entendue en commission parlementaire si ce n’est pas pour demander au gouvernement de modifier les lois pour que notre secteur soit encadré de la même façon ? Il n’est pas anodin que l’AECQ (association patronale responsable de négocier le tronc commun dans la construction) souhaite être entendue en commission parlementaire.
Que contient ce projet de loi ?
Le projet de loi décrit les services comme les services minimalement requis pour éviter que ne soit affectée de manière disproportionnée la sécurité sociale, économique ou environnementale de la population.
En gros, c’est une manière détournée de mettre presque tous les secteurs dans la fourchette des services essentiels.
Comment est-ce qu’un commerce, un restaurant ou un bar peut porter préjudice à la population ? L’objectif caché est simple : dissuader tous les secteurs qui seraient en mesure de se prémunir du droit à la syndicalisation d’utiliser ce droit. Il en va de même pour le droit de grève.
Le projet de loi prévoit donc que le ministre a un pouvoir discrétionnaire très important.
Celui-çi pourrait, s’il estime qu’une grève ou un lock-out cause ou menace de causer un préjudice grave ou irréparable à la population et que l’intervention d’un conciliateur ou d’un médiateur s’est avérée infructueuse, déférer le différend à un arbitre afin que ce dernier détermine les conditions de travail des salariés compris dans l’unité de négociation en grève ou en lock-out.
Fini la grève.
Même si au moment d’écrire ces lignes, le projet de loi ne prévoit pas intervenir dans notre secteur, nous connaissons nos opposants. On se rappelle du Projet de Loi 51 qui venait essentiellement dire que tous les ouvriers peuvent faire n’importe quoi sur les chantiers, pour augmenter la productivité, au détriment de la santé et sécurité sur les chantiers.
Pourquoi alors le ministre, bien connu pour travailler main dans la main avec les associations patronales, ne tenterait pas de faire, encore une fois, entrave à nos droits en tant que travailleurs avec un autre projet de loi ? Pour la présence d’une association patronale de la construction serait pertinente dans le cas où le projet de loi ne s’applique pas à son secteur ?
Nous encourageons nos membres à se mobiliser, pour venir garantir que cette loi ne s’appliquera pas dans notre secteur d’activité.
Est-ce qu’une décision de la Cour Suprême n’avait pas protégé le droit de grève ?
Oui, la Cour Suprême avait invalidé une loi qui allait dans ce sens en 2015 en invoquant la Charte canadienne des droits et libertés.
Cependant, il serait bien possible pour le gouvernement du Québec d’utiliser la clause dérogatoire, afin de passer outre aux dispositions de la Charte canadienne. une telle manoeuvre serait un affront de taille à la démocratie et aux droits fondamentaux des travailleurs. Pour l’instant, le gouvernement provincial est limité dans ces actions antisyndicales par l’arrêt Saskatchewan. Mais nous savons à qui nous avons affaire.
Rappelons que la clause dérogatoire permet notamment de déroger à l’article 2 (qui concerne des droits fondamentaux comme les libertés d’expression, de conscience, d’association et de réunion pacifique).
Voici quelques exemples où le droit de faire la grève à été protégé par la Charte.
Quelles sont les conséquences de l’adoption d’un tel projet de loi ?
La portée des pouvoirs du ministre devient extrêmement importante dans le cas d’un conflit de travail. En rappel : Plus de 95 % des négociations se règlent par des ententes entre employeurs et syndicats, et c’est en partie parce que les employeurs savent que nous pouvons exercer ce droit.
Le ministre peut estimer qu’un conflit de travail menace de causer un préjudice grave ou irréparable, déférer à un arbitre.
Il s’agirait d’une décision complètement subjective qui viendrait limiter grandement la capacité d’un syndicat de faire la grève, et même de l’annuler, si aux yeux du ministre les travailleurs causent un préjudice important à la population. À ses yeux, donc à sa convenance.
Le ministre viendrait nous priver de nos droits, sur la base de son point de vue sur un conflit de travail particulier. Comme s’il était omniscient, et pouvait se substituer au travail des négociateurs, médiateurs et conciliateurs et jugeait que notre grève n’est pas légitime. Cela vient grandement briser notre rapport de force.
Il est important de souligner que tout ce qui pourrait être un préjudice grave ou irréparable n’est absolument pas défini dans le projet de loi. Peut-on faire confiance au Ministre du Travail pour faire le bon choix ?
Ne continuera-t-il pas à prendre la part des patrons, comme à son habitude ? Il vient annuler une partie de nos droits pour prendre des décisions, avec un biais favorable aux employeurs. Le gouvernement étant lui-même employeur, pouvons-nous nous remettre à lui pour travailler en faveur de nos acquis ?
Et les lockouts ?
C’est simple: si un employeur impose un lockout, il pourra le prolonger indéfiniment en autant que les services requis sont maintenus. Alors que les travailleurs voient leur droit de grève affaibli par les pouvoirs discrétionnaires du ministre, les employeurs conservent la liberté d’utiliser le lockout, pour une durée de leur choix. Aucune disposition ne permet au gouvernement de forcer la fin d’un lockout.
Pourquoi protéger le droit de faire la grève est important ?
Voici pourquoi c’est crucial en 2025 :
1. Sans grève, pas de vraie négociation
Si on ne peut pas arrêter de travailler pour obliger l’employeur à négocier, nos demandes passent dans le beurre. Les boss nous écoutent à moitié, et on se ramasse avec des salaires qui ne suivent pas le coût de la vie et des conditions qui se dégradent.
2. Ça protège nos poches
Tout coûte plus cher : l’essence, l’épicerie, le loyer… Si on ne peut pas se battre pour des hausses de salaire, on s’appauvrit pendant que les entrepreneurs s’en mettent plein les poches.
3. Un outil important pour stopper la précarité
Il y a de plus en plus de jobs précaires, de contrats temporaires, pis des compagnies qui sous-traitent pour payer moins cher. La grève, c’est ce qui nous permet de dire : “Ça suffit! On veut des jobs stables, bien payées, avec de bonnes conditions.”